Pour tout ce que tu es, et tout ce que tu ne seras jamais

Ce n’est qu’un mardi soir comme les autres.




Coincée dans l’embouteillage, mes pensées m’emportent, la musique me fait rêvasser. Je contemple les gens des voitures d’à côté, conducteurs aux regards inquiets et aux cœurs terrifiés, passagers portant sur leur dos les fardeaux du monde entier. J’avance lentement, et la lumière des véhicules semble concorder avec celle des magasins aux alentours. J’avance toujours doucement, et je pense…



Je pense à tous ces gens qui chantent, qui fument, qui mendient. Je pense à ce chaos qui semble tous nous unir. Un chaos plutôt charmant, un chaos dans lequel l’espoir est grand.



Je me prépare à éviter la succession de trous qui m’attendent bientôt sur la route, et je pense…



Je pense à combien ce chemin cahoteux ressemble à nos vies : ces routes sur lesquelles nous roulons tous les jours et que, quoi qu’il arrive, nous continuerons toujours à prendre.



Que ce soit de petits trous évitables, un creux géant incontournable, des rues totalement inondées, ou d’autres bloquées par des pneus brûlés; nous savons au fond de nous que nous continuerons à rouler, que malgré tout, nous continuerons à essayer.



Quelques minutes plus tard, toujours en route, je découvre que tout cet encombrement était dû au policier qui avait décidé de diriger les voitures afin d’éviter l’embouteillage, finissant bien évidemment par l’aggraver – il faudrait plutôt dire qu’il le créa lui-même.



Je m’approche de ma destination. Les lampes qui clignotent autour de moi me rappellent la splendeur des nuits où nous étions habitués à veiller jusqu’à l’aube pour danser, entourés de gens qui vivent pour aimer, s’amuser, persister… Ces âmes authentiques qui ne peuvent qu’adorer leur pays pour tout ce qu’il est, et tout ce qu’il ne sera jamais.



Je crois que personne n’aurait la capacité d’aimer le Liban sans y avoir vécu… Sans avoir goûté à l’ardeur de sa vie et à l’obscurité de ses quartiers… Sans avoir éprouvé le charme inconditionnel de son amabilité et des sourires passants venus de visages étrangers… Cette magie qui a le pouvoir de nous attacher tellement à ce monde, qui n’est peut-être, finalement, qu’un miroir de la réalité.




Bref, ce n’est qu’un mardi soir comme les autres.